Le Safran

Le safran (lat.crocus sativus linaeus), aussi appelé l’Or Rouge, est une plante bulbeuse acaule à caïeux (tige plateau avec rosette de feuilles en contact avec le sol) qui appartient à la famille des iridacées. Le safran est une plante pérenne et son bulbe souterrain a un diamètre de 3 à 15 cm et il est aplati en dessous et de forme ronde au dessus.

Fleur de safran avec stigmates

Cette plante a deux types de racines.
Les racines fasciculées, qui se développent à la base du bulbe mère, et les racines épaisses contractiles, qui se développent à la base du nouveau bulbe et lui permettent d’occuper la place de l’ancien bulbe en fin de cycle. Ses feuilles, vertes, brillantes et caduques, présentent un limbe étroit de 2 à 5 mm, terminé en pointe, et une longueur de 20 à 50 cm.

Les fleurs de safran sont hermaphrodites et présentent 6 tépales ovales : 3 pétales et 3 sépales légèrement parfumés. Normalement, un bulbe donne vie de 1 à 8 fleurs. Le pistil de la fleur du safran est constitué d’un ovaire bulbeux infère à partir duquel un style long et filiforme blanc se divise en 3 stigmates rouge vif et très parfumés. Ces stigmates sont fins à la base et un peu plus large à l’extrémité et ils ont un aspect brillant à l’ouverture de la fleur. Par ailleurs, la fleur de safran présente aussi trois étamines avec des anthères bilobées de couleur jaune qui sont chargées de pollen. Toutefois, le pollen du safran est stérile et la main de l’homme est nécessaire pour sa reproduction.

Le cycle annuel du safran est composé de quatre périodes: la période végétative, la période reproductive, la période de dormance et la période de floraison.

La période végétative donne naissance aux nouveaux bulbes et commence immédiatement après la floraison. Cette phase dure de 5 à 6 mois et nécessite des températures basses.
Chaque « bulbe parent » donne de 4 à 10 nouveaux bulbes ou bulbilles de calibres différents. Parfois, deux ans sont nécessaires pour que les bulbilles atteignent le calibre critique de floraison (calibre 6/7).
Pendant cette période, les feuilles et les racines se développent et accumulent des réserves au niveau du bulbe qui détermineront le calibre final, la qualité et le nombre de fleurs de safran produites.

La période reproductive se produit vers le mois de mars en transition avec la période végétative. Cette phase est la plus critique du développement du safran qui se caractérise par une augmentation des différenciations et des divisions cellulaires, et pendant laquelle l’activité métabolique du végétal est intense.

La période de dormance commence normalement en avril. A ce moment-là, les nouveaux bulbes sont complètement formés et leurs dimensions, leur poids et leur calibre vont rester inchangés jusqu’à la fin du cycle. Les feuilles se fanent et se dessèchent, atteignant la fenaison complète (signe indicateur de la possibilité de débulber) au mois de juin. Avec l’arrivée de la chaleur de l’été, la plante entre dans une phase de ralentissement progressif et l’activité métabolique s’arrête presque complètement.

La période de floraison commence vers la fin du mois d’août, quand le bulbe se réveille et son activité métabolique augmente. Pendant cette phase, un ou plusieurs talles surgent du bulbe avec une touffe de feuilles très étroites. Le processus de floraison se termine par l’apparition de la fleur de safran. Les hormones de croissance jouent un rôle primordial dans le développement floral de la plante. En outre, les facteurs du milieu jouent un rôle important sur l’initiation florale. Le safran est une plante de jours courts et nécessite des journées dont la photopériode est inférieur à 11 heures et demie pour fleurir. Dans le cas contraire, la plante restera en permanence dans un état végétatif.

Le mot safran » vient de l’arabe « asfar », qui signifie jaune, d’où le terme « za’afaran » qui signifie « safran » en arabe.
Le safran fait partie des 700 substances utilisées pour leurs vertues médicinales et référencées dans le Papyrus d’Ebers, l’un des plus anciens traités médicaux connus à ce jour, datant du XVIe siècle avant J.-C..
Les Égyptiens préparaient une bière au safran et au cumin. En 3000 avant J.-C., ils enduisaient les bandelettes des momies avec du safran.

La fleur de safran, considérée comme « divine », est mentionnée par Homère et Salomon dans leur récit.

En Grèce, en – 1600 avant J.-C, des fresques représentent une cueillette de safran par des prêtresses de la civilisation minoenne, d’où nous vient la valeur ésotérique et érotique de l’épice.
Les Phéniciens teignaient le voile de la jeune mariée et les draps de la nuit de noce avec du safran.
Dans la mythologie grecque, une légende fait référence à la fleur de safran.
Krokos était un jeune homme très beau, amoureux d’une nymphe, Smilax, et ami du dieu Hermès (dieu des voleurs et des commerçants). En jouant au lancer de disque, Hermès toucha mortellement le jeune homme. Une goutte de sang tomba au sol et une fleur de safran en sorti. Smilax, désespérée, se mua en salsepareille.

Alexandre le Grand statue

En -326, Alexandre le Grand n’a pas pu conquérir le Cachemire à cause de sa méconnaissance du safran :  » Ayant installé son camp, un soir d’automne dans une vallée du Cachemire, il avait planté sa tente sur un site dénudé permettant d’apercevoir le moindre ennemi au loin. Le lendemain matin, il fut surpris de retrouver son armée isolée au milieu d’un océan de fleurs de safran qui s’étaient épanouies dans la nuit, ignorant tout de cette fleur et croyant à un maléfice, il plia bagage !…
Alexandre le Grand aurait pris des bains au safran et l’aurait utilisé dans le thé ou le riz pour soigner ses blessures.

A Rome, Cosmus, un parfumeur créa une eau de rose au safran. Les Romains l’utilisaient pendant les fêtes, car elle permettait d’éviter la migraine.

Lors d’un triomphe impérial, le sol était jonché de pétales de safran.
Le safran était considéré comme un aphrodisiaque et les Romains en brûlaient dans les temples pour ses vertues purificatrices et pour faire des offrandes.

Marc-Aurèle prenait des bains au safran. De même, Cléopâtre ajoutait à ses bains au lait d’ânesse, du Kyphi, qui contenait de la résine de térébinthe, du safran, du miel et du vin mêlé de myrrhe. Le Kyphi agissait comme un anti-stress.
En Inde, dans l’Ayurveda, une forme de médecine traditionnelle, la plante est assimiliée aux maladies par couleurs (jaune pour l’ictère). Cette méthode est basée sur la Théorie des signatures, une méthode selon laquelle la forme et l’aspect des plantes est à rapprocher de leurs propriétés thérapeutiques. En Ayurveda, le safran a une action Tridosha. Il agit sur les trois humeurs (Vata – eau, Pitta – feu, Kapha – terre). La couleur du safran, l’épice sacrée des bouddhistes, se retrouvent aussi dans les teintes des robes qu’ils portent.
Moines
Chez les musulmans on rase la tête du nouveau né et on l’enduit de safran et d’argan.
Les corans  » sacrés  » étaient écrits par des scribes avec de l’encre jaune de safran.
Du moyen âge au XIXème, dans la ville de Boynes dans la Beauce et le Gâtinais, le safran entrait dans la dot des jeunes filles. Au 16ème siècle, la culture du Safran atteint son apogée en France, avant de décliner au 17ème siècle, au profit de la culture de pommes de terre et de maïs.
De nos jours, la culture de safran se restreint à un petit nombre de safranières dans le sud de la France.

La production mondiale est de l’ordre de 150 à 200 tonnes selon les années. ( Inde et Iran interdisent l’exportation de leurs meilleurs safrans dans des proportions variables chaque année. L’Inde notamment connaît des écarts de production phénoménaux en fonction de la Mousson)

La demande en safran dans le Monde tous secteurs confondus (pharmacie, industries textiles, colorants alimentaires, cosmétiques, usage gastronomique) représente 300 à 400 tonnes.

400 tonnes, c’est en tout cas la quantité vendue. Cherchez l’erreur !

Le safran détient un certain nombre de records, mais entre autres c’est le produit le plus frelaté du commerce (c’est aussi le plus cher… 10 fois le prix du caviar, 50 fois le prix de la truffe…et un peu plus cher que l’or… ceci explique cela).

La fraude a été estimée à 86%. Cela signifie que 86% du safran est coupé, frelaté ou bien n’est pas du safran du tout, mais vendu comme tel.

L’adultération du produit est aussi imaginative que le produit est lucratif : avec le safran en poudre, on ajoute des styles blancs, du souci, carthame, racines, barbes de maïs, paprika, curcuma, piment, sable, curry, pavot, oeillets d’Inde, plumes et duvets, viande séchée effilochée, brique pilée.

On peut aussi augmenter le poids des stigmates par un séchage insuffisant. Au total on a recensé plus de cinquante produits servant à adultérer le safran.

Le safran dit « des indes » n’est en fait que du curcuma.

Epices colorées

Paradoxalement, la demande du marché porte sur un produit pur, et n‘est pas satisfaite.

Durant le dernier siècle, certaines régions fortement productrices ont presque disparu (Espagne de 120 tonnes en 1900 à 500 kgs de nos jours) ou ont au contraire émergé (Kozani inexistant en 1976, six tonnes aujourd’hui).

Les « gros » de la production mondiale :

  • Iran : 120 tonnes dont 40 tonnes à l’exportation (200 tonnes à la vente dont 120 à l’exportation !!)
  • Inde : 10 à 30 tonnes. Interdiction d’exportation pour les meilleurs safrans
  • Maroc : 3 à 4 tonnes à Taliaouine, Taznakh

Les pays producteurs européens :

  • Grèce : 6 tonnes à la coopérative de Kozani
  • Espagne : de 500 kgs à 3 tonnes selon les sources
  • Italie : 350 kgs Navelli et Sardaigne
  • France : 30 kgs
  • Suisse : Mund, non significatif (1 à 2 kgs)

Les producteurs marginaux

Nouvelle Zélande, Tasmanie, Chine, Turquie, Égypte, Afghanistan, Etats-Unis (Pensylvannia Dutch Saffron)

Les plus gros consommateurs sont l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, les Etats-Unis et l’Europe.

Le safran s’utilise en cosmétique pour différents types de soins, tels que les parfums au safran, le savon au safran et l’huile essentielle au safran. Cette épice possède beaucoup de propriétés anti-oxydantes et calmantes. Par ailleurs, elle contient une grande quantité de flavonoïdes, qui sont des molécules parfaites pour le renouvellement de la peau. Le safran a aussi une grande concentration de crocine, un glycane qui se trouve dans les pistils de safran et qui est considéré comme un élément essentiel des soins anti-rides et anti-tâches. L’usage du safran en parfumerie remonte à l’époque de Cléopâtre, qui utilisait un parfum solide à base de safran nommé « Kyphi »; un parfum qu’on considère aujourd’hui comme la première eau de toilette connue au monde. Les Grecs et les Romains utilisaient aussi le safran pour élaborer des parfums et des déodorants. Néanmoins, actuellement, l’usage du safran en parfumerie reste plutôt faible. Tableau des propriétés du safran